By Mummy B.
Petite pause dans nos récits américains. Nous vous ramenons en Asie pour poursuivre notre récit de voyage aux Philippines. Nous vous avions laissé après une superbe randonnée dans les rizières en terrasse de Batad classées au patrimoine mondial de l’Unesco.
Après une nuit bien récupératrice, nous avalons notre petit déjeuner sur la terrasse en travaux du Simon’s Inn qui nous offre de nouveau une vue spectaculaire sur le village, les rizières qui l’entourent tel un amphithéâtre et les montagnes environnantes. Avec un tel spectacle devant soi, forcément la journée ne peut que bien commencer!
Puis, il est temps de reprendre la route inverse et de remonter jusqu’à Saddle Point pour y prendre le jeepney du matin qui nous ramènera à Banaue. Vous vous rappelez de la descente caillouteuse, de la forêt tropicale? Le même chemin mais avec la côte dans le sens de la montée cette fois! Et comme le timing est serré, nous nous résoudrons à emprunter les escaliers qui raccourcissent le chemin… mais tuent les genoux!
Dans le jeepney, nous discuterons avec une jeune française qui voyage en solo à travers les Philippines pendant un mois. Elle nous raconte ce qu’elle a déjà vu, ce qu’elle a le plus aimé et nous explique que son itinéraire n’est pas encore tout à fait fixe. Il y a tant à faire, tant à voir aux Philippines, difficile de faire des choix!
De retour à Banaue, nous passons à la guesthouse de Randy où nous avons laissé nos valises et nous posons pour envisager le programme de la journée. Il est un peu tard pour se rendre aujourd’hui à Hapao, nous remettons donc ça au lendemain et décidons de partir à la découverte de Banaue.
L’atmosphère de Banaue change radicalement avec celle de Batad. La concentration d’habitations est beaucoup plus importante, on sent que c’est une ville étape d’où la plupart des touristes débutent leur tour de la région Ifugao. Pour autant, si nous avions beaucoup lu que Banaue était franchement moche, ce n’est pas notre ressenti. Certes le « centre-ville » n’est pas absolument charmant mais il est aussi agréable d’y retrouver de nombreux restaurants, boutiques de souvenirs et guesthouses. Il y a aussi une place centrale, sorte de gare routière, animée de rabatteurs pour les tricycles et les jeepneys.
Bien entendu, on ne retrouve pas à Banaue la quiétude de Batad ou encore d’Hapao qu’on visitera le lendemain. Mais nous aimons aussi cette ambiance à la fois brouillonne et chaleureuse de ces villes à backpackers. Il faut tout de même espérer que la venue de voyageurs qui s’intensifie dans la région ne vienne pas trop tenter de tour-opérateurs et autres acteurs du tourisme de masse d’installer ici des constructions trop massives et des pratiques pas toujours très éthiques qui inexorablement gâcheraient le patrimoine Ifugao.
Nous décidons de déjeuner au Las Vegas Lodge & Restaurant. La salle de restauration est joliment décorée et le menu propose des spécialités philippines. Nous commandons un Pork Afritada, des cuisses de poulet accompagnées d’une salade de tomates, de riz et de frites. Avec deux bières, l’addition s’élève à 405 php, soit 7,75€.
Puis il est temps d’aller explorer la ville et surtout les nombreux points de vue qu’elle offre sur les rizières en terrasse. La plupart des touristes choisissent de louer un tricycle (le nom local d’un tchuk tchuk). Mais nous décidons de commencer le parcours à pied pour prendre le temps d’observer les paysages grandioses des cordillères des Philippines.
Aucun trottoir ici, nous marchons donc sur le côté d’une route bordée d’une végétation luxuriante et dépassons des petits hameaux de maisons. Le choix de marcher au lieu de prendre un tricycle qui nous amènerait directement aux points de vue les plus photogéniques est aussi guidé par l’envie de profiter des scènes de vie locale. Encore une fois, nous sommes impressionnés par la simplicité qui émane du mode de vie des habitants. Les constructions sont rudimentaires, le confort sommaire. Et pourtant ici comme ailleurs depuis que nous sommes arrivés aux Philippines, les gens sont souriants et accueillants, les enfants communiquent avec Mimi, on ne sent pas l’éventuel poids de la misère, mais plutôt un certain positivisme et une bonne humeur qui fait plaisir à voir.
Aux Philippines, la religion catholique est très présente et pratiquée par plus des trois quarts de la population. Alors il n’est pas vraiment étonnant de croiser de nombreuses églises. Ce qui l’est plus, c’est qu’elles se fondent complètement dans le style architectural local et qu’il n’est pas toujours facile de les repérer au premier coup d’œil. Rien à voir avec la superbe Basilique de l’Immaculée Conception de Manille. Mais quand on en approche, les inscriptions sont claires, il s’agit bien d’un bâtiment religieux. Pour les écoles, c’est un peu pareil. Ce n’est qu’en approchant qu’on comprend qu’il s’agit d’un établissement scolaire puisque le nom s’affiche en lettres capitales et qu’on distingue des rires d’enfants. Dans les zones plus rurales, leurs entrées peut être tout au bout d’un long chemin qui serpente ensuite dans la montagne. Impossible de voir à quoi elles ressemblent, il n’y a qu’une arche sur la route principale pour la localiser.
Nous arrivons à un premier point de vue panoramique. Nous avons beaucoup de chance, la récolte de riz est prévue pour les prochains jours, c’est une des meilleures périodes pour visiter la région Ifugao car les rizières en terrasses sont verdoyantes et magnifiques. Plus tard, les terrasses seront plus boueuses et prendront donc une couleur marron qui ne sublime pas autant ces paysages à couper le souffle.
A cet endroit, un groupe d’anciens en costumes traditionnels nous abordent gentiment. Ils nous proposent de les rémunérer en échange d’une photo à leurs côtés. C’est toujours difficile de savoir comment se positionner sur ce genre de « service ». En donnant un peu d’argent à ces personnes, on a à la fois l’impression de les aider en leur permettant d’augmenter un peu leurs revenus de la journée et en même temps nous participons aussi à alimenter une pratique controversée. Si la mise en valeur par ce biais de la culture Ifugao pourrait sembler au premier abord intéressante, il faut aussi reconnaître qu’en distribuant ainsi quelques pièces, on encourage des personnes d’un âge avancé à travailler toute la journée. Si ce n’était pour l’argent, s’exposeraient-elles ainsi aux heures les plus chaudes en plein soleil? Retirent-elles un certain prestige de mettre à l’honneur les habits de leurs ancêtres ou se sentent-elles ridiculement déguisées, attifées sans raison de vêtements de cérémonie pour faire le show aux touristes?
Dans un premier temps, nous déclinons donc la proposition. Quelques mètres plus loin, un autre vieil homme nous proposera la même chose. Un peu faible, fatigué, nous a-t-il plus touché? Nous n’osons pas lui refuser. Cependant, cet échange s’est cantonné à une transaction monétaire. Nous n’avons pas ressenti une démarche ouverte vers le partage de la culture Ifugao. Une fois la photo prise et l’argent empoché, l’homme est retourné s’asseoir sans un regard pour nous, sans un geste de salutation. Nous aurions voulu en savoir plus sur l’histoire de son costumes, sur l’usage des armes qu’il possédait, sur les souvenirs d’un autre temps de cet homme très âgé, sur les transformations qu’a connu la région depuis l’arrivée des touristes… Mais cette brève rencontre n’a été que plus révélatrice du malaise qu’engendre ce genre de pratique. Au final cette photo, si nous l’incluons à l’article, nous a laissé un petit goût amer, l’impression de céder au comportement typique du colon qui expose « le bon aborigène » tel un trophée, du touriste avide de photos sensationnelles et de tourisme « faux-thentique ». On est loin de ce qui nous fait vibrer quand nous partons ainsi à la découverte d’une nouvelle région, d’une nouvelle culture…
Si les rizières en terrasse peuvent sembler similaires à Banaue et à Batad, il existe tout de même entre elles de véritables différences qui font que ces visites ne semblent pas répétitives, mais au contraire nous permettent de comprendre l’étendue du savoir-faire ifugao. A Batad, les rizières formaient comme un amphithéâtre autour du village et les murs étaient faits en pierre. A Banaue, les murs sont en terre. L’aspect est donc un peu différent.
Nous continuons notre ascension et un chauffeur de tricycle s’arrête pour nous proposer de nous emmener encore plus haut. L’heure avançant, nous acceptons pour avoir le temps de finir le programme que l’on s’était fixé pour la journée. Le point de vue où il nous emmène est superbe.
Puis nous lui demandons de nous conduire au Museum of Cordillera Sculpture (le Musée des Sculptures des Cordillères). Pour 100 php chacun (à peine 2€), nous avons accès à une belle collection d’artisanat Ifugao. Le Musée offre de nombreuses explications sur la culture et le mode de vie local du temps des tribus mais aussi de manière plus contemporaine. Nous y verrons principalement des sculptures en bois. Cela nous permet d’en apprendre plus sur les croyances des tribus, leur religion polythéiste, mais aussi leurs outils et leurs armes.
Les guerriers Ifugao étaient réputés pour être des coupeurs de tête. C’est ainsi que se réglaient les conflits entre tribus faisant ainsi des milliers de victimes chaque année. Nous nous plongeons dans ce pan de leur histoire à la fois terrifiant et fascinant. Les photos d’époque (extraites d’un exemplaire original d’un National Geographic de 1912!) et les armes exposées permettent de s’immerger et d’imaginer l’horreur des guerres de tribus jusqu’à seulement quelques décennies en arrière. En effet, il est dit que si, sous la pression des autorités coloniales américaines, les pratiques assassines des guerriers Ifugao cessèrent presque complètement il y a un siècle, des têtes seraient tombées occasionnellement jusqu’en 1988!
A l’extérieur du musée, on peut même visiter une habitation traditionnelle Ifugao.
C’est toujours très intéressant de pouvoir ajouter au spectacle de la nature, des explications sur les populations qui y ont habité et qui l’ont apprivoisée voir complètement domptée. Ce musée est l’étape parfaite pour comprendre les bases sur lesquelles s’appuient la culture Ifugao et prendre conscience du dévouement de cette population pour ses terres.
La journée touche à sa fin quand nous nous mettons à la recherche d’un distributeurs de billets, car il nous faut des espèces pour payer Randy et nos dépenses du lendemain. Impossible d’en trouver un… Nous allons nous renseigner auprès des rabatteurs de tricycle et de jeepneys. Ils nous disent qu’il n’y en a pas à Banaue et qu’il faut aller dans une ville voisine. Sauf que le dernier jeepney qui s’y rend est déjà parti. Impossible d’attendre le lendemain, si nous voulons aller à Hapao et avoir notre bus de nuit pour Manille. On discute un bon moment avec eux pour trouver une solution et l’un d’eux accepte d’emmener Daddy B. en moto.
Je rentre donc avec Mimi à la guesthouse et j’attendrais environ trois heures avant de voir Daddy B. rentrer. Entre temps, je me ferai gentiment houspiller par Randy qui ne trouve pas très prudent notre plan. On aurait dû lui demander son aide au lieu de faire confiance à quelqu’un qu’on ne connait pas et qui pourrait très bien voler l’argent de Daddy B et le laisser en plan là-bas… très rassurant! Il m’apprend qu’il y a un bureau Western Union à Banaue qui aurait sans doute pu nous dépanner. Heureusement, notre bonne étoile était plutôt de la partie et, à part un orage sur la route du retour (oui… rassurant, je vous dis!), il n’arrivera rien à Daddy B qui revient lessivé (avec la pluie, c’est doublement vrai!) mais avec son argent à la guesthouse!
Un peu fatigués par la journée et les péripéties de la soirée, nous retournons au Las Vegas Restaurant pour le dîner et c’est encore une fois la tête remplie des images de cette superbe journée que nous nous endormons.
3 Réponses
Anne
C’est beau!
Je suis toujours mal à l’aise avec ces gens qui veulent poser contre de l’argent. En général je refuse même, mais je suis toujours contrariée… pas facile…
Cess
Mon Dieu que c’est beau !
J’avais loupé cet article, j’ai bien fait de l’ouvrir, on a juste envie de tout quitter et d’aller découvrir ces paysages et cette culture !
CinD
Coucou ! Ça faisait longtemps que j’étais pas venue sur ton blog, je cherche un peu de dépaysement… Me voilà servie ! Paysages splendides qui donnent juste trop envie de les découvrir en vrai. Que de belles photos, un réel plaisir pour les yeux 🙂 Je comprends ton malaise pour le monsieur qui cherche à se faire prendre en photo pour de l’argent :/