A letter to Freedom
By Mummy B.
Chère Liberté,
Ce matin, je me suis réveillée comme tous les matins. Avec une petite voix qui me chantait « Allez, maman, c’est l’heure de se lever, je veux mon petit déjeuner ». Et comme tous les matins, je me suis levée et j’ai allumé l’ordinateur. Avant même d’avaler quoi que ce soit, c’est toujours mon premier geste. Prendre des nouvelles. De nos proches, surtout. De la France, parfois. Ce pays qui me semble à certains moments si loin et dont l’actualité ne me parle pas toujours.
Mais ce matin, mes yeux ont lu l’horreur. Partout. Mon écran ensanglanté m’a tétanisée. Et la distance s’est effacée. Liberté, tu as été attaquée! Liberté, tu as été blessée! Sauvagement, injustement.
Je sais bien que ce n’est pas nouveau pour toi. Partout dans le monde, tu souffres, tu te bats ou te débats. Je sais aussi que certains de tes combats sont silencieux ou invisibles. On ne sait pas toujours quand et où tu vas mal.
Française, je suis solidaire du drame qui touche mon pays, ma terre. Mais aussi citoyenne du monde, je me demande où il va celui-là et comment il peut porter autant de haine et d’intolérance.
Ce matin, mon cœur s’est arrêté, mon cerveau s’est embrouillé. Une seule phrase ne faisait que tourner : « Non, ce n’est pas vrai ». Et mes yeux n’ont rien pu faire que lire et lire encore ce qui t’était arrivé. Les explications, les témoignages, les hommages. Impuissante, triste, choquée. Liberté, je voudrais te consoler.
Ce matin, Liberté, j’ai pensé à toi. J’ai souffert pour toi.
Et j’entendais la petite voix qui me demandait « Maman, je peux avoir mon petit déjeuner ». Et j’ai pensé à elle aussi. A ce monde dans lequel elle grandit. Ce monde qu’on essaye de lui construire : juste, droit et beau. Et celui que d’autres ne font qu’enlaidir. Liberté, je ne veux pas que ma fille grandisse dans un monde qui lui fait peur. Je veux qu’elle se sente libre d’exprimer ses idées, ses croyances, son humour. Je lui apprends le respect de la vie et des autres, la tolérance, l’optimisme et l’amour. Je vais aussi continuer à lui enseigner à quel point tu es fondamentale et qu’il ne faudra jamais cesser de te défendre.
Liberté, tu es fragile. Il ne faut jamais l’oublier pour te porter et te soutenir partout où tu en as besoin. Mais tu es aussi forte. Tu es notre force.
Je suis triste pour toi, Liberté. Je suis triste pour les victimes du drame qui s’est déroulé ce 7 janvier 2015, Rue Nicolas Appert dans les locaux de Charlie Hebdo. Je suis triste pour leurs proches et pour nous tous qui nous sentons endeuillés. Je suis triste pour toutes les attaques dont tu souffres partout dans ce monde. Mais j’ai confiance et foi en l’humanité.
Liberté, je n’ai pas la plume d’un Paul Eluard pour te défendre et te sublimer. Mais j’écris quand même ton nom, Liberté, en tapotant sur mon clavier…
Dear Freedom,
This morning I woke up like every morning. With a little voice that sang me « Come on, Mom, it’s time to get up, I want my breakfast. » And like every morning, I got up and I turned on the computer. Before swallowing anything, it’s always my first gesture. Get news. Of our loved ones, especially. Of France, sometimes. This country that seems at times so far, with news that I don’t always understand.
But this morning, my eyes have read the horror. All Over. My screen, full of blood, paralyzed me. And the distance faded. Freedom, you’ve been attacked! Freedom, you’ve been injured! Wildly, unfairly.
I know this is not new to you. All over the world, you suffer, you fight again and again. I also know that some of your fights are silent or invisible. We don’t always know when and where you are feeling bad.
As a French, I support the tragedy that affects my country, my land. But I am also a citizen of the world and I wonder where it goes and how it is possible to have so much hatred and intolerance around us.
This morning, my heart stopped, my brain was scrambled. One sentence was just coming again and again, « No, that’s not true. » And my eyes were unable to do anything but read and read again what happened to you. Explanations, stories, tributes. Powerless, sad, shocked. Freedom, I would like to console you.
This morning, Freedom, I thought of you. I suffered for you.
And I could hear the little voice asking me, « Mom, can I have my breakfast. » And I thought of her too. I thought of this world in which she is growing. This world that we are trying to build for her: fair, right and beautiful. And the world that others just try to make ugly. Freedom, I do not want my daughter to grow up in a world that scares her. I want her to feel free to express her ideas, her beliefs, her humor. I teach her respect for life and people, tolerance, optimism and love. I will also keep teaching her how you are fundamental and that we can never stop defending you.
Freedom, you are fragile. We have to never forget it and carry you and support you wherever you need it. But you are strong. You are our strength.
I am sad for you, Freedom. I am sad for the victims of the tragedy that took place this January 7, 2015, Rue Nicolas Appert in the premises of Charlie Hebdo magazine. I am sad for their families and friends and for all of us who feel bereaved. I’m sad for all the attacks you suffer all over the world. But I have confidence and faith in humanity.
Freedom, I do not have the pen of Paul Eluard to defend and highlight you. But I write your name anyway, Freedom, tapping on my keyboard …
14 Réponses
Sophie
J’imagine le sentiment d’horreur que tu as du ressentir ce matin : se réveiller à quelques heures d’intervalles et découvrir le déroulé de cette triste journée.
Tu as su trouver les mots justes.
Eva B
Oui c’est exactement ça. On découvre la tragédie après tout le monde, et plus on lit ce qui s’est passé, plus on est envahi par un sentiment d’horreur et d’impuissance. Ecrire pour faire sortir ce trop-plein d’émotions et de sentiments qui m’est tombé dessus à peine réveillée. Aujourd’hui, nous sommes tous en deuil, nous sommes tous Charlie.
Virginie
Elle est tres belle ta lettre et resume bien tout ce que je pense aujourd’hui. Tu as su trouver les mots justes, c est tres beau. Moi aussi, je pense a mes enfants et a ce monde dans lequel on les eleve, et un jour comme aujourd’hui ca me fait peur. Et pourtant il faut essayer de garder la tete haute dans ces moments la et ne pas succomber a la haine. Il faut continuer a se battre pour cette Liberté, pour nous et pour nos enfants.
Eva B
Merci Virginie. Je pense que ces événements, ça nous met un gros coup sur la tête. Et pourtant, comme tu le dis, il ne faut céder ni à la haine ni à la peur. Ne pas baisser la tête, mais ne pas faire de mauvais amalgames et ne pas répondre à l’intolérance par la haine. Liberté, le premier mot dans notre devise française, un mot à ne jamais oublier!
fafa expat
Une bien jolie lettre. Je suis dans le même état d’esprit que toi. C’est abominable…
Eva B
Merci.
C’est une tragédie. Aujourd’hui, nous sommes tous à la fois révoltés et endeuillés. Mais solidaires et libres.
Isabelle
superbe …
Eva B
il fallait que ça sorte…
Stéphanie
Je reste toujours sans mot devant mon clavier. Tu as su écrire ce que je ressentais avec une pensée particulière pour nos enfants. J’espère que leur liberté d’esprit perdurera.
Eva B
Nos enfants, la génération de demain. Ce sont eux qui devront se battre après nous. Donnons leur foi en l’humain, donnons leur la furieuse envie d’une liberté sans faille et debout!
Carole
Tu t’es levée sur cette nouvelle et je me suis couchée avec, un peu sonnée, sans vouloir y croire.
Tes mots sont si justes….
Eva B
Dure journée pour tout le monde. J’imagine que ça a dû être difficile de s’endormir sur ces nouvelles.
Lexie
Nous aussi on l’a appris avec retard… Je n’ai pas eu à l’expliquer à ma fille, trop jeune, mais je sais qu’il y aura d’autres choses. Et aussi d’autres moments d’être fière de son peuple qui s’est mis debout…. comme un seul homme. Beau texte 🙂
Eva B
Ici aussi la petite est trop jeune pour que je lui explique. Mais ça a quand même été une journée pas comme les autres pour elle. Une journée où sa maman est restée consternée devant l’ordi et où le soir on est tous allé au consulat français de San Francisco au milieu de plein d’autres gens qui brandissaient des stylos et chantait une chanson qu’elle ne connaissait pas. Elle aussi, elle voulait brandir son stylo, elle aussi a fait du « la la la » sur la Marseillaise. Sans se rendre compte qu’un jour, elle devra peut-être le faire en étant pleinement consciente de ce que cela signifie.