By Mummy B.
C’est durant notre week-end de road trip en Nevada Central que nous nous sommes arrêtés dans la petite ville de Tonopah. Nous y sommes arrivés de nuit après avoir visité Austin, où le temps semblait s’être arrêté, et pris la Natural History Loop pour découvrir les trésors cachés de la Monitor Valley et la Big Smoky Valley.
Mais plus qu’une étape-dortoir, Tonopah fut une véritable découverte qui nous permis de faire un saut dans le temps à la fois surprenant et très instructif. Bienvenue au XIXème siècle, du temps des mines d’or et d’argent qui firent la gloire de nombreuses villes oubliées de l’Ouest Américain!
Mizpah Hotel, un établissement victorien à la renommée historique
C’est assez fatigués par notre parcours du samedi que nous sommes arrivés le samedi soir au Mizpah Hotel.
Il y a des hôtels qu’on choisit pour leur prix, d’autres pour leur situation géographique idéale… Pour le Mizpah Hotel, c’est son originalité liée au patrimoine historique qu’il représente qui nous a incité à y passer la nuit. En effet, cet établissement figure parmi les Historic Hotels of America, ce qui en fait, plus qu’un endroit pour dormir, un moyen de voyager dans le temps et de s’immerger dans la vie du début du siècle dernier.
L’histoire du Mizpah
Ouvert en 1908, il fut annoncé par la presse locale comme « the finest stone hotel on the desert » (le plus bel hôtel en pierre dans le désert, « en pierre » s’opposant aux bâtiments en bois de l’époque). A mi-chemin entre Las Vegas et Reno, il proposait un hébergement de qualité idéal pour les prospecteurs et les mineurs de passage dans cette région alors en plein boom. Mais la prospérité apportée par la mine ne fut que temporaire et le Mizpah tomba dans l’oubli en même temps que le reste de la ville dont l’activité et l’économie reposaient uniquement sur des mines d’or et d’argent qui firent faillite quelques décennies après leur découverte. Les périodes de fermeture et de réouverture de l’hotel se succédèrent ensuite mais les travaux de rénovation qu’il subit au fil des années lui permirent de garder son éclat d’antan tout en gagnant en modernité. Réouvert depuis 2011, ces nouveaux propriétaires sont heureux de proposer aux touristes en recherche d’authenticité un lieu à la fois unique et accueillant.
The Lady In Red, le fantôme du Mizpah
Comme beaucoup de lieux historiques (soit, aux Etats-Unis, ayant dépassé 100 ans), le Mizpah serait hanté. Dans les années 20, une call girl aurait été assassinée près de la suite qui porte désormais son nom. Il paraîtrait qu’elle erre toujours dans les couloirs de l’hôtel… On vous rassure, elle n’est pas venue nous rendre visite dans notre chambre… ou en tout cas on ne s’en est pas rendu compte!
Un très bon rapport qualité/prix
Nous avions opté pour la chambre la plus petite de l’hôtel pour ne pas trop dépasser notre budget et avons donc payé 99$ pour la Queen Economy. Un supplément de $10 dollars s’ajoutait pour le chien. Mais à ce prix là, Doggy B. a eu le droit à un vrai sac de bienvenue.
La chambre et la salle de bain était très bien décorées et étonnamment pas aussi petites que nous l’attendions. Nous avons vraiment apprécié ce séjour d’une nuit.
Le seul petit détail qui aurait pu nous déranger, ce sont les bruits provenant de la fenêtre. Une sorte de hurlement sourd, difficile à décrire. Au début, j’étais seule quand ils ont commencé et quand on se rappelle que l’hôtel est potentiellement hanté, on a du mal à rationaliser sur le coup. Au final, ce bruit ressemblait plus à celui du vent qui s’engouffre dans un espace étroit (notre fenêtre donnant sur un mur) et il nous a suffit de refermer correctement notre fenêtre pour que le double-vitrage fasse bien son travail d’insonorisation! Pas de fantôme pour cette fois!
Pittman Cafe, parfait pour se restaurer
L’hôtel possède deux restaurants : le Jack Dempsey Room et le Pittman Cafe. Le premier est assez chic et les prix le sont aussi. Le deuxième correspondait plus à notre budget et offrait tout de même un cadre très agréable avec sa décoration soignée. C’est donc là que nous avons pris notre dîner du samedi soir et notre petit déjeuner le lendemain.
Les repas étaient copieux et bons, le service très bien également. Nous avons trouvé que c’était la solution idéale pour ne pas courir à la recherche d’un endroit où manger dans Tonopah qui est tout de même une ville assez petite avec peu de possibilités différentes.
Tonopah Historic Mining Park, comprendre les conditions de vie et de travail des mineurs
Situé sur l’emplacement d’origine de la mine, l’entrée se fait par le parking derrière le Mizpah Hotel. C’était donc très pratique pour nous!
Ouvert tous les jours (hors jours fériés) de 9h à 17h, l’entrée coûte $5 pour les adultes et $4 pour les enfants entre 8 et 17 ans (c’est gratuit pour les plus jeunes). Le prix est donc très raisonnable, d’autant qu’ayant dormi à Tonopah, nous avons bénéficié d’une réduction de $1.
Nous avons d’abord visionné le film de 20 minutes qui revient sur l’histoire de la mine et fait le tour du Visitor Center qui expose des maquettes pour comprendre le fonctionnement de la mine et des outils d’époque.
Puis nous avons parcouru les différents sites présentant les bâtiments, installations, machines et outils nécessaires au travail d’extraction et de transport du minerais. Nous avons vraiment beaucoup appris sur cette période de l’histoire des Etats-Unis. Même Mimi a été intéressée par la visite et a bien compris, grâce à nos explications simplifiées, à quoi servait une mine.
Les chiens sont acceptés sur le parc, nous avons donc pu emmener Doggy B. avec nous en balade.
L’incroyable histoire de Jim et Belle Butler
En 1888, Isabella, dite Belle, est mariée et a trois enfants mais n’est pas satisfaite de son mari au chômage, alcoolique et violent. Elle demande le divorce pour s’installer avec Jim Butler, propriétaire d’un ranch dans la région. Une altercation éclate en pleine rue entre les deux hommes qui sont armés (comme il est courant à l’époque) et Jim tue son rival. Son juge sera clément en s’appuyant sur la personnalité menaçante du défunt et il pourra repartir libre et épousera Belle l’année d’après.
Au printemps 1900, alors que Jim campe près de Tonopah, son baudet s’enfuit. C’est en partant à sa recherche qu’il tombe sur une pierre qui lui semble être un minerais précieux. Il partage sur place sa découverte, mais personne ne semble s’y intéresser. Il rentre chez lui à Belmont et fait évaluer sa roche qui s’avère être de l’argent. Son épouse, Belle, lui demande de retourner à Tonopah où ils vont ensemble revendiquer leur découverte du gisement de minerais et en extraire quelques tonnes puis le faire transporter par charrette et par chemin de fer jusqu’à Salt Lake City. Ils gagnent ainsi les premiers 500 dollars qui vont servir à investir dans le matériel nécessaire à l’exploitation de la mine à plus grande échelle.

Pour faire venir les travailleurs, Jim et Belle, qui est très investie dans l’affaire de son mari (ce qui n’est pas usuel il y a un siècle, mais participa grandement à la réussite des Butlers), proposent aux mineurs 75% des bénéfices de leurs extractions, un très bon deal qui leur permettra de trouver facilement de la main d’oeuvre. Si les mineurs se logent au début dans des tentes, puis occupent des baraques rudimentaires, cette soudaine augmentation de la population profite à Tonopah qui devient alors une vraie ville avec toutes les nouvelles modernités telles que son propre réseau d’eau et d’électricité, des services de télégraphe et de téléphone, des connections au chemin de fer…


Après quelques années, les Butlers vendent avantageusement leur affaire à un financier de Philadelphie qui montera la Tonopah Mining Co. dont les actifs dépasseront le million de dollars. Ils s’installent ensuite pour leur retraite en Californie où ils profiteront d’un fin de vie luxueuse.
Comment fonctionnait une mine?
En visitant la mine, nous avons été impressionnés par le nombre de machines et d’installations nécessaires à son bon fonctionnement. Nous avons compris que la majorité d’entre elles ne servaient qu’un seul but : l’extraction du minerais. En effet, le travail des mineurs et donc leur matériel évoluait en même temps que l’exploitation de la mine s’intensifiait et que les technologies s’amélioraient.
Au début, le travail d’extraction se faisait sur les premières couches de terre, mais par la suite il fallait aller toujours de plus en plus profond pour atteindre le minerais et le remonter. Il fallut donc mettre au point et installer des équipements élaborés pour satisfaire des techniques d’extraction toujours plus exigeantes et performantes.
De ce travail titanesque, on ne peut voir que le matériel et les bâtiments inutilisés de nos jours. Mais il ne s’agit en fait que de la partie immergée de l’iceberg… le plus impressionnant étant sous terre : un labyrinthe de plusieurs kilomètres de galeries désormais inexploitées.

La seconde problématique majeure était le transport des minerais. Au début de l’exploitation, des convois de mulets se chargeaient d’amener les tonnes de minerais jusqu’à la première station de chemin de fer. Au bout de quelques années, des connections aux grandes lignes de chemin de fer virent le jour à Tonopah. Avec l’arrêt de l’exploitation de la mine, ces lignes ont depuis été abandonnées.
La fin d’une ère, de la boom town à la ghost town
Les mines d’or et d’argent de l’Ouest ont permis pendant plusieurs dizaines d’années l’essor de régions assez isolées et plutôt pauvres. Des « boomtowns » sont apparues non loin des zones d’extraction : à certains endroits il préexistait de petits villages, à d’autres il n’y avait vraiment rien du tout. Ces villes à la croissance soudaine et rapide ont connu une période de grande activité quand les minerais avaient une valeur marchande importante.
Mais l’exploitation des mines ne dura que quelques décennies en général. Pour certaines, le fillon s’est tout simplement épuisé, il n’y avait plus de métaux précieux à extraire. Pour les autres, c’est la chute du cours de l’or et de l’argent qui provoquèrent la fin de l’exploitation des mines plus assez rentables. Ce fut le cas de Tonopah.
Cela entraîna un grand nombre d’entre elles, dépendantes de cette unique activité, vers l’abandon et l’oubli. La population arrivée massivement, attirée par les opportunités de travail et de richesse des mines, quitta ces villes sans autre ressource entraînant inévitablement leur déclin.
Totalement ou partiellement abandonnées, on les appelle maintenant des ghost towns. Quelques vestiges de bâtiments tombés dans l’oubli, village entièrement vide à visiter ou bourgade survivant grâce au tourisme, elles peuvent prendre plusieurs aspects mais ont toutes en commun d’avoir connu de belles années prospères au siècle dernier et d’avoir été ensuite désertées une fois la période dorée terminée.
Vous l’aurez compris, Tonopah nous aura appris beaucoup de choses sur ce pan de l’Histoire des Etats-Unis, et plus précisément de l’Ouest Américain. Nous avons particulièrement aimé son côté authentique. La ville a su mettre en valeur son patrimoine historique sans verser dans l’attraction touristique plus amusante que véritablement éducative, comme c’est parfois la tendance aux Etats-Unis.
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2 Réponses
Marine Flora
La ville semble d’être figée dans le temps, j’adore ce côté ancienne amerique / rustique !
Eva B
Merci pour ton message.
La ville de Tonopah en elle-même a su garder un peu de dynamisme, même si elle reste assez isolée et perdue au milieu du Nevada Central. Mais effectivement l’Historic Mining Park semble lui totalement sur pause. On a pu y voir plein de petites traces du passé restées suspendues, c’est impressionnant ces endroits où le temps s’est arrêté d’un coup!